Quel est le coût d'une absence de méritocratie ?

Un manque d’inclusion contribue à un taux de fluctuation plus élevé du personnel.

Environ la moitié des entreprises de l’échantillon intègrent l’inclusion et la diversité dans leur stratégie d’entreprise. Un peu moins de la moitié y incluent également l’équité. L’inclusion est de plus en plus reconnue comme un facteur clé de succès en matière de productivité, d’innovation et de rétention. Par conséquent, le pourcentage d’entreprises qui ancrent l’inclusion dans leur stratégie RH a augmenté de 12 points de pourcentage. Cependant, dans l’ensemble, les entreprises ont encore tendance à prioriser la diversité plutôt que l’inclusion. Cela indique qu’elles n’ont pas encore pleinement intégré le fait que les bénéfices de la diversité ne peuvent être réalisés sans inclusion.

 

Pourcentage d’entreprises ayant intégré la DEI dans leur organisation, 2025

Cependant, comme le montre une analyse de régression, les entreprises qui ont ancré l’équité dans leur énoncé de mission présentent un taux d’attrition plus faible que celles qui ne l’ont pas fait. Cela signifie qu’intégrer cette valeur ne favorise pas seulement l’inclusion, mais renforce également la fidélisation des employé·e·x·s et contribue à une main-d’œuvre plus loyale et engagée.

Au-delà de ce qui est formulé dans une stratégie d’entreprise ou dans l’énoncé de mission d’une organisation, c’est la culture du lieu de travail qui influence le plus l’engagement, la productivité et la loyauté des employé·e·x·s. Notre Workplace Culture Survey révèle que les employé·e·x·s qui ne se sentent pas inclus·e·x·s, ne perçoivent pas leurs opportunités de développement comme équitables, transparentes et attractives, ne se sentent pas respecté·e·x·s et valorisé·e·x·s par leur supérieur·e·x, et ont vécu ou observé des discriminations, sont beaucoup plus susceptibles d’envisager de quitter leur employeur pour un autre plus engagé en matière de DEI. Les personnes qui se sentent exclues ou marginalisées sont également plus susceptibles de connaître des effets négatifs sur leur santé, ce qui influence à son tour leur intention de départ (Ehrhart & Chung, 2023). Un environnement de travail inclusif aide les employé·e·x·s à développer leur résilience, les rendant plus aptes à s’adapter à leurs rôles et réduisant ainsi les taux de fluctuation (Davies et al., 2019). De plus, le leadership inclusif joue un rôle clé dans la réduction du turnover en favorisant des relations positives entre les cadres et les autres membres des équipes, ce qui atténue les effets négatifs de la diversité sur les intentions de départ (Nishii & Mayer, 2009).

Un manque de sécurité psychologique et de sentiment d’appartenance mine l’engagement, la créativité et la collaboration, qui sont des éléments essentiels à la fois pour la satisfaction individuelle et la performance organisationnelle (Reiter-Palmon & Millier, 2023). À l’inverse, un environnement inclusif, où les employé·e·x·s se sentent respecté·e·x·s, valorisé·e·x·s et traité·e·x·s équitablement, renforce le sentiment d’authenticité, la confiance interpersonnelle et l’engagement à long terme envers l’organisation.

 

L’enquête Workplace Culture Survey révèle que 27 % des employé·e·x·s envisageraient de quitter leur organisation actuelle pour une autre plus engagée en matière de DEI.

Part des employé·e·x·s qui envisageraient de quitter leur organisation actuelle pour en rejoindre une plus engagée en matière de DEI (Workplace Culture Survey, 2025)

I would consider leaving my current organization and moving to another that is more committed to DEI.

 

Une étude récente menée par Bain & Company en collaboration avec Advance a analysé pourquoi les femmes quittent les emplois dans le secteur de la technologie à un rythme alarmant : l’étude a montré qu’une femme sur deux envisage de changer d’employeur, voire de quitter totalement l’industrie. La principale raison identifiée par les auteur·e·x·s est une culture de travail non inclusive. Les femmes s’y sentent souvent isolées, sans sentiment d’appartenance ni soutien.

 

Le manque d’inclusion et de méritocratie pourrait coûter jusqu’à 5 milliards de francs suisses aux entreprises !

 

27 % des personnes interrogées déclarent être d’accord ou tout à fait d’accord avec l’affirmation selon laquelle elles envisageraient de quitter leur organisation actuelle pour une autre plus engagée en matière de DEI. En supposant qu’il existe d’autres raisons de changer d’employeur, on peut déduire un taux de rotation général de 10 points de pourcentage et utiliser 17 % pour le calcul.

Quel pourrait être le coût du manque d’inclusion dans votre entreprise ?

Pour l’échantillon de cette année, 17 % correspond à environ 64’000 employé·e·x·s. Le coût de remplacement d’un·e·x employé·e·x équivaut généralement à un an de salaire pour le poste concerné. Si l’on multiplie le nombre d’employé·e·x·s prêt·e·x·s à changer d’entreprise par le revenu médian annuel de 81’000 CHF en Suisse (2022), le manque d’inclusion pourrait coûter jusqu’à 5 milliards de francs suisses aux entreprises.

Le manque d’inclusion nuit aussi à l’innovation.

En plus d’entraîner un taux de fluctuation du personnel plus élevé, l’absence de culture et de processus inclusifs peut freiner de manière significative la capacité d’innovation d’une entreprise. Lorsque les principes méritocratiques ne sont pas respectés, les individus talentueux peuvent se sentir sous-évalué·e·x·s ou ignoré·e·x·s, ce qui réduit leur motivation et engagement (Konrad et al., 2021). Cette perception peut accentuer le désengagement des meilleur·e·x·s performeur·euse·x·s et ralentir le développement de nouvelles idées. En conséquence, cela crée ce que l’on peut qualifier de « coût invisible » : l’organisation risque de prendre du retard sur ses concurrents, d’avoir du mal à réagir efficacement aux évolutions du marché et de manquer des opportunités de solutions créatives.

Lorsque les individus se sentent exclu ou perçoivent des inégalités dans les perspectives d’évolution de carrière, ils·elles sont moins en mesure d’exprimer leur véritable personnalité au travail et de contribuer pleinement (Harkema, 2023). Ces dynamiques inclusives sont étroitement liées à la capacité d’innovation : un environnement dans lequel les employé·e·x·s se sentent valorisé·e·x·s et considéré·e·x·s comme partie intégrante de l’organisation favorise la génération d’idées nouvelles et les contributions créatives. Une étude du CCDI montre qu’un environnement inclusif améliore la performance d’innovation des équipes (Dwertmann et al., 2025). La diversité contribue fortement à la génération d’idées, surtout quand elle s’accompagne d’une véritable culture d’inclusion.

 

Les entreprises qui ne parviennent pas à intégrer l’inclusion dans leurs systèmes méritocratiques risquent non seulement des inefficacités opérationnelles, mais aussi un désavantage stratégique.

À l’inverse, les organisations qui combinent intelligemment ces principes créent un environnement propice à une culture de l’innovation, renforcent la capacité de résolution de problèmes et consolident leur compétitivité globale, soutenant ainsi la croissance et la durabilité à long terme de l’entreprise.

 

Créer des chances égales pour tout le monde est la clé pour libérer tout le potentiel de la méritocratie !

Cela nécessite un effort collectif et une collaboration entre les acteurs politiques, les entreprises, les associations professionnelles et les dirigeant·e·x·s visionnaires afin d’accélérer les progrès vers une méritocratie inclusive, fondée sur des valeurs solides telles que l’égalité, le terrain d’entente et le partenariat.

 

« À moins que nous ne corrigions nos systèmes et n’offrions véritablement à chacun·e·x des chances égales de réussir, la méritocratie restera un mythe. »

Siri Chilazi, co-auteur de Make Work Fair